4saisons.PNG

Comme tout le monde le sait, nos mois voient passer quatre saisons successives : le printemps, l'été, l'automne et l'hiver.
Or, un jour comme les autres, une cinquième saison fit son apparition, que l’on baptisa la Brâlie. Celle-ci pointait son nez, selon son humeur, entre chacune des saisons que nous connaissons. Elle se caractérisait par un climat plus mouvementé et imprévisible que les quatre autres : pas de canicule ni de froid polaire, pas d'inondation ni de sécheresse… mais un peu de tout à la fois. Quand la Brâlie arrivait, impossible de savoir comment se vêtir en avance ! En effet, on pouvait tout autant mettre des vêtements légers que des chandails, ou chausser des bottes voire rester pieds nus...

Les jours se suivaient et ne se ressemblaient absolument pas. Telle était la Brâlie. Elle se plaisait à jouer avec les variances que les saisons historiques lui permettaient. Mais jamais elle ne mettait en danger la vie des êtres sur le Monde.
La seule qui se plaignait vraiment de la Brâlie, était la Nature. Son cycle était en effet trop bien dépendant depuis des temps immémoriaux du rythme des quatre saisons et avait du mal à s'adapter aux fantaisies de cette nouvelle venue.
En effet, comment protéger les jeunes boutons de fleurs encore fragiles, si le lendemain, il se mettait à neiger ? Et comment endormir la forêt, si un beau soleil chaleureux venait caresser doucement les feuilles ?
Les pauvres végétaux y perdaient leur latin et ils n'étaient pas les seuls. Les animaux étaient aussi déstabilisés par le caractère changeant de la Brâlie. Au printemps entre autre, quand arrivait la saison des papillonnages et autres promenades en tête-à-tête… Et que le jour d’après, des pluies torrentielles s’abattaient sur tout le monde, refroidissant quelque peu leurs ardeurs…
En ce qui concerne les animaux qui hibernaient, leur rythme s’en trouvait fort contrarié : une vague de froid et ils s’endormaient, une de chaud et ils se réveillaient. Seulement le problème était qu’il se mettait à neiger un jour et faire chaud le lendemain… Les pauvres bêtes s'endormaient, puis se réveillaient, puis retournaient hiberner, avant d’encore se lever, tout transpirants… Ces cycles « debout-couché-debout-couché » étaient éreintants !

bralie.PNG

Décidément, la Brâlie n’était pas dans l’ordre normal des choses. Peu d’êtres vivants ou de végétaux, au final, y voyaient de l’intérêt ou n'en souffraient pas. Seuls quelques êtres à part s’en accommodaient.
Il y avait ceux, très rares, qui adoraient l'effet surprenant de la Brâlie. Ils aimaient surtout le côté imprévisible de la Brâlie, et ils en jouaient plutôt que de s'en plaindre, vu qu'ils ne pouvaient rien y changer.
-« Tiens aujourd’hui, je tente la jupe… Loupé ! C’est la neige qui est au rendez-vous ! » Comme c’était drôle à leurs yeux de jouer avec la saison, ils s’amusaient comme des petits fous pendant quelques mois, ravis de ces devinettes quotidiennes !
Puis, il y avait ceux qui faisaient pis que pendre tout le temps. Sauf qu’avec la Brâlie, comme ils ne pouvaient pas prévoir de quoi demain serait fait, ils n’avaient plus le temps d'échafauder des critiques développées vis à vis de cette perturbatrice, et du coup, ils ne disaient plus rien !
Enfin, il restait ceux qui n’aimaient pas la monotonie habituelle, et qui appréciaient le changement, s'accommodant du meilleur comme du pire avec philosophie. Par exemple, cette jeune fille, là, toute contente de conserver sa garde-robe été et hiver, disponible.
Comme ça, elle pouvait aussi bien mettre sa petite robe un jour, et le lendemain matin, pouvoir porter sa belle fourrure… C’était l'idéal !

final.PNG

Bref, la Brâlie comptait quand même des partisans. Et n’en déplaise à Dame Nature, la cinquième saison continua de s'inviter, malgré toutes les plaintes qu'elle suscitait.
D’ailleurs, sa nature s’en fichait pas mal. Elle faisait toujours ce dont elle avait envie, et comme elle le désirait. Et tant pis pour les ceux qui ronchonnaient et disaient que "c’était mieux avant", qu’il fallait maintenir l’ordre normal des choses, que les effets de la Brâlie étaient très dangereux pour tous. Il n’empêchait : la Brâlie était bel et bien là, avec ses humeurs malicieuses, ses excès, sa fantaisie. Le temps étant le remède de tous les maux, peu à peu chacun l'accepta dans sa vie.
Les jeunes pousses avaient intégré les possibles variations liées à la Brâlie: ils avaient désormais une sève très rapide qui pouvait monter ou descendre à très grande vitesse dans leurs troncs.
Les animaux, eux, vivaient leurs amours, à l'abri d'une grotte ou d'un arbre acclimaté, voire dans un igloo. C’était d’un romantisme étonnant, chaque jour étant différent des autres, apportant un certain piment, et leurs ardeurs ne s’en portaient que mieux !
Enfin, les animaux qui aimaient à dormir des semaines entières s’étaient organisés : ils s’enfouissaient dans des couches à température réglable, indépendantes de la météo, qui leur permettaient d'avoir un repos récupérateur.
Tout le monde avait modulé ses habitudes, et rares étaient ceux, maintenant, qui se plaignaient de la Brâlie.

Tel était devenu le rythme saisonnier, avec quatre périodes régulières, et une, fantaisiste, imprévisible, mais toute aussi charmante.