Autrefois, tous les animaux vivaient en bonne entente dans la forêt. Mufafah, leur Roi, habitait une maison à l'écart de la ville.
Un jour, il expliqua à tous ceux qu'il avait fait rassembler :

"Prévenez les absents. Je suis le Roi, vous êtes mes sujets, vous devez m'obéir. Tous les jours je dévorerai deux d'entre vous. Que deux animaux se présentent à l'aube sur le seuil de ma maison chaque matin ! Si vous ne m'obéissez pas, je vous dévorerai tous en une seule journée."

Les habitants de la ville se jetèrent des regards affolés : le Roi était-il devenu fou ? Mais ils n'avaient pas le choix. Ils acceptèrent donc d'un signe de tête.
L'un d'eux prit la parole et affirma :

"Sites, nous avons compris. N'aie crainte ! Chaque matin, deux d'entre nous viendront chez toi."

Satisfait, le Mufafah repartit.

Le lendemain à l'aube, deux habitants furent désignés. Tanree, un petit insectivore au corps multicolore, et Manae qui se nourrissait de serpentins. Ils se mirent en route, tête basse. Ils savaient qu'ils ne reviendraient pas.
Après les avoir dévorés, Mufafah fut pris d'une violente colère. Il retourna en ville et rugit :

"Vous vous moquez de moi ? Ceux-là n'étaient pas assez gros ! J'ai encore faim ! Les petits animaux devront venir par trois ! Compris ?
- Oui, Sire" répondirent ses sujets.

Peu après le départ de Mufafah, Lapino arriva en ville. Il avait dû s'absenter, et il fut fort surpris de voir les habitants pleurer.
Quelqu'un lui raconta :

"Le Roi a beaucoup changé. Maintenant, il veut dévorer chaque jour deux ou trois animaux, en fonction de leur taille. Il a déjà mangé Tanree et Manae.
- Pourquoi avoir accepté ? protesta Lapino. - Pour éviter de tous finir dans son estomac, répondit l'autre. Comme nous sommes très nombreux, certains auront la vie sauve."

Lapino agita ses longues oreilles et décida :

"Demain, c'est moi qui me rendrai chez le Roi. Mais seul !
- Seul ? sursautèrent les habitants de la ville. Le Roi se vengera sur nous.
- Rassurez-vous ! dit Lapino. Je vais lui faire comprendre qu'il a mal agi."

Le lendemain, Lapino se rendit donc chez le Roi. Il était malin et avait une bonne idée en tête. Il se mit à pleurer, sangloter, gémir... si fort que le Roi, intrigué, l'interrogea :

"Pourquoi pleures-tu ?
- Hélas, Sire, dit Lapino, nous étions trois. Mais en route nous avons croisé un autre Mufafah qui a dévoré mes deux compagnons. Moi seul ai pu m'enfuir."

Le Roi poussa un rugissement terrible :

"GRRRRR ! Quoi ? Un autre Mufafah se permet de manger ma nourriture ? Montre-moi immédiatement l'endroit où il se cache."

Lapino guida le Roi vers un puits, rempli d'eau, et il sanglota :

"Après avoir mangé mes pauvres compagnons, l'autre Mufafah s'est jeté dans ce puits. Regarde, tu verras !"

Le Roi se pencha et aperçut son reflet à la surface de l'eau. Mais il était tellement en colère qu'il crut voir l'autre Mufafah. Et il gronda :

"Est-ce vrai ? Tu as dévoré les compagnons de Lapino ?"
Le reflet faisait bien sûr les mêmes gestes que lui, ce qui rendit Mufafah fou furieux :

"En plus, tu oses te moquer de moi ? Misérable !"

Il sauta dans le puits, toutes griffes dehors pour saisir l'autre Mufafah... et il se noya.
Alors Lapino se frotta les pattes et retourna en ville. Les animaux frémirent en le voyant arriver.

"Tu devais aller te faire dévorer par le Roi, que fais-tu là ?
- J'y suis allé, affirma le Lapino en se vantant un peu. Je l'ai battu et jeté dans un puits. Suivez-moi je vais vous le prouver."

En effet, le Roi était bien dans le puits, noyé.
Ceci prouvant que la force seule ne suffit pas, et que l'intelligence est nécessaire !